A Nicolas Rey
Comme vous avez changé ! Quelle ne fut pas ma surprise, tard hier soir, en vous découvrant à la télévision… Lorsque vous êtes ainsi filmé sous votre profil gauche, vous ressemblez étonnamment à Bernard-Henri Lévy. Oui, je dis bien à Bernard-Henri Lévy, écrivain-philosophe-à-chemise-blanche-à-col-ouvert. Heureusement, Arielle Dombasle ne se trouvait pas à vos côtés… L'honneur est sauf.
Je vous ai donc découvert sous votre nouvelle apparence — le cheveu plus rare et la barbe de trois jours — évoquer votre prochain livre dont vous accouchez dans la douleur avec des Flanby pour seuls énergisants ! Ces derniers mois, j'avais presque oublié que vous étiez écrivain, étant plus habitué à vous entendre sur France Inter qu'à vous lire. Permettez-moi d'ailleurs ici-même de faire mon "outing" : je vous adore ! J'aime votre air de ne pas-y-toucher, vos envolées lyriques et poétiques qui ne mènent nulle part, votre façon de draguer Isabelle Giordano, Muriel Cousin et toute jolie femme qui se présente à votre regard.
Nous avons pour point commun d'appartenir à la même génération, d'aimer la littérature, les femmes, et, corrigez-moi si je fais erreur, le football. Quel est votre club préféré ? Moi c'est le FC Nantes, le club de ma région qui m'a fait tant rêver quand j'étais enfant. Huit titres de champion de France, trois Coupes de France et deux demi-finales européennes : il s'agit-là d'un beau palmarès. Il est vrai que "mes" Canaris battent de l'aile depuis plusieurs saisons mais je garde espoir, comme tout supporter digne de ce nom.
Je ne vais pas m'apensantir plus longtemps sur ce ballon rond. Je voulais juste vous dire combien j'ai eu plaisir à vous écouter, hier soir… Ne changez-pas, sauf peut-être votre profil gauche.
Votre ami des ondes qui aimerait tant lire votre réponse.
Bien chaleureusement
© Alfred Paul
A mon camarade
Cher camarade,
Avant de partir à mon dur labeur, je t'écris ces quelques lignes. Je suis resté devant ma télévision jusqu'à 4 heures du matin la nuit dernière, happé que j'étais pas les travaux de la commission parlementaire sur l'affaire d'Outreau. La Chaîne parlementaire que je reçois grâce à la TNT diffuse l'intégralité des auditions. Initiative salutaire ! Il est grand temps que le Parlement ouvre grand ses portes.
Hier, j'y ai donc vu le témoignage poignant d'un couple d'acquittés. Ils ont raconté avec des mots simples et touchants les humiliations qu'ils ont subies durant la garde à vue et la détention provisoire, leur grand désarroi pendant une instruction menée à charge. Et, surtout, j'ai vu une maman désemparée face à cette justice qui refuse toujours de lui rendre ses enfants alors que la cour d'assises de Paris, en appel, les a déclarés innocents… C'est proprement inhumain et irresponsable.
Maitre Dupont Moretti, dans un brillant plaidoyer, a pointé du doigt tous les dysfonctionnements dans cette affaire. Il a eu raison de rappeler que les errances de ce dossier ne pouvaient être imputables à un seul homme, le juge d'instruction, même s'il a manifestement failli à sa mission. Car 64 magistrats — 53 du siège et 11 du parquet — ont eu un jour à examiner cette affaire ! C'est donc tout un système qui n'a pas fonctionné même s'il convient de rappeler que dans une autre affaire de pédophilie encore plus importante, celle d'Angers (45 accusés si mes souvenirs sont bons), la justice a été rendue en toute sérénité.
La justice ne pourra donc pas faire l'économie d'une réforme en profondeur de son fonctionnement. Les enquêteurs aussi, d'ailleurs, car les témoignages des gardes à vue par les différents acquittés me glacent le sang. Il faut absolument que la parole de la défense soit entendue dès les premières heures.
Notre démocratie s'honorerait d'accepter le débat et la contradiction, y compris pendant l'instruction judiciaire. Pourquoi ne pas la rendre publique ? Cela aurait le mérite de rééquilibrer la parole respective de l'accusation et de la défense, et permettrait aux journalistes de faire leur travail grâce à des sources contradictoires alors qu'actuellement ils se contentent des bribes d'information échappant du parquet, des enquêteurs… Un vaste chantier va s'ouvrir, espérons que les politiques aient le courage de retrousser leurs manches alors qu'une importante échéance électorale se profile en 2007.
Je ne pourrai pas regarder l'audition du juge Burgaud le 8 février mais je ne manquerai pas de la suivre dans la presse. Je suis d'ailleurs très choqué que les acquittés y assistent. Ça me paraît malsain. Enfin, c'est leur souhait et celui du magistrat…
Je dois t'abrutir avec mes commentaires mais je suis bouleversé par ce qu'ont vécu ces personnes. A la lumière de leurs témoignages, on est en droit de se demander combien d'innocents croupissent dans nos prisons ?
Je te laisse, le devoir m'appelle. Je te serre la pince…
© Alfred Paul
A Gustave F.
Très cher Gustave,
Permettez-moi de vous appeler par votre prénom. La lecture de votre "Correspondance", outre le fait qu'elle fut un moment délicieux, m'a permis d'entrer dans votre intimité et suivre votre pas dans des chemins parfois cahoteux mais ô combien pittoresques. De vos confessions licencieuses sous le soleil d'Egypte — notez que plus personne n'use aujourd'hui du vocable "gamahucher" — à vos déboires pécuniaires et judiciaires en passant par la génèse de votre chef-d'œuvre "Mme Bovary" — j'ai l'honneur de vous informer qu'il est à juste titre toujours considéré comme tel de nos jours —, j'ai passé des heures de pur bonheur en tournant les pages de votre vie.
Voilà la raison pour laquelle je vous invite aujourd'hui à être le "parrain" – le père spirituel ? — de ma modeste entreprise qui consiste à mettre en ligne des lettres virtuelles au gré de mon inspiration et de mes états d'âme… Je conçois par avance que mon style n'égalera jamais le vôtre mais j'essaierai de me comporter en digne fils spirituel. Je conçois également que mes correspondants ne jouiront pas de l'aura de Louise Colet, George Sand, Guy de Maupassant ou Ivan Tourgueniev et qu'ils n'auront pas des noms aussi charmants qu'Edma Roger des Genettes ou Mademoiselle Leroyer de Chantepie. Mes correspondants ? Des personnes — connues ou non — dont le nom revient revient dans les mass médias (j'utilise à dessein ce terme désormais un peu suranné), des gens ordinaires croisés dans la rue et tout être vivant qui retiendra mon attention.
Votre fervent admirateur
© Alfred Paul